La geste de Gautier de Périlleux by Anaïs Guiraud

Auteur:Anaïs Guiraud [Guiraud, Anaïs]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Historique
Publié: 2021-06-06T22:00:00+00:00

Le lendemain, Amaury se leva de bonne heure et se présenta directement devant la maison de la jeune fille.

Il frappa puissamment à l’huis, bien décidé à ne pas se laisser impressionner par les gaillards dont on lui avait parlé la veille.

À peine la porte se fut-elle entrouverte et eut-il décliné son identité qu’un jouvenceau au visage sournois le fit pénétrer dans la masure avec force courbettes et non sans avoir demandé une obole conséquente. L’obséquiosité qui se dégageait de sa personne évoqua à Amaury le pire des courtisans.

Le plus jeune frère d’Adèla semblait seul ce jour-là.

Sur un banc, collée à l’âtre, une femme d’un certain âge, à l’air fatigué et aux yeux creux, le salua vaguement. Amaury en déduisit que c’était la mère de la ressuscitée. Il lui adressa un bonjour courtois et suivit son guide jusqu’à une tenture qui coupait la pièce.

En écartant le pauvre drap de toile sale, Amaury contempla, sur une paillasse posée à même le sol, perdue dans un monceau de couvertures épaisses, une fille très pâle et amaigrie.

Il pensa immédiatement aux mystiques qu’il avait pu voir dans certains couvents, aux ermites, aux recluses. Si elle s’était inscrite dans l’un de ces mouvements religieux, Adèla n’aurait rien eu à craindre. Pour son malheur, elle ne disposait d’aucun cadre ecclésiastique ou monacal.

Il s’approcha doucement et le frère lui tendit une escabelle[35] pour qu’il puisse s’asseoir.

Comme il restait là tel un importun à espionner dans son dos, Amaury se tourna vers lui avec un regard sévère.

— Eh bien, merci, je n’ai plus besoin de vous, mon garçon. Ce que j’ai à dire à cette enfant est message de l’évêque, elle seule doit l’entendre.

Le frère afficha une mine déconfite et quelque peu gênée. Sûrement son aîné lui avait demandé de demeurer auprès de leur sœur et de ne pas la lâcher d’une semelle en son absence. Faillir à cette obligation lui vaudrait sans doute une bonne raclée.

Amaury passa une main sous ses vêtements et en ressortit un sol melgorien[36] sur lequel l’éclat des calhels [37]brilla. Aussitôt, les yeux du frère d’Adèla s’allumèrent d’une lueur avide et il se précipita sur la monnaie, laissant enfin l’homme et la jeune fille seule.

— Mon enfant, l’évêque de Carcassonne m’envoie pour te parler et pour évaluer si l’Église, la vraie, crut-il bon d’ajouter, peut t’être d’un quelconque secours. Je suis venu pour t’écouter. Je t’aiderais si je le peux, car ce que l’on rapporte est grave, mais tu dois absolument tout me dire et ne pas me mentir. Est-ce entendu ?

La frêle jeunette acquiesça. Amaury était profondément peiné de la voir ainsi alitée, sans force, après ce qu’on lui avait raconté d’elle.

— Commençons par le début, conte-moi donc ce qu’il t’est advenu.

Elle se redressa du mieux qu’elle put et Amaury lui tendit sa grande main, qu’elle saisit pour s’appuyer un peu. Elle était si petite et froide qu’il en fut fort touché.

— Eh bien, au commencement de l’hiver, je m’suis senti toute chose. Plusieurs enfançons ici avaient des coliques, j’ai pensé qu’c’était ça. Mais c’était plutôt… Un genre de faiblesse, surtout le matin.

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